La trêve hivernale est une mesure de protection sociale en France qui vise à empêcher les expulsions de locataires pendant les mois les plus froids. Chaque année, elle débute le 1er novembre et se termine le 31 mars de l’année suivante. Cette période est essentielle pour garantir que les ménages en difficulté financière ne soient pas mis à la rue en hiver, mais elle soulève également des questions sur ce qui se passe après la fin de cette protection temporaire.
En 2023-2024, la trêve hivernale s’étend sur cinq mois, avec des règles et des exceptions spécifiques, ainsi que des évolutions législatives à connaître. Nous allons examiner en détail les obligations des propriétaires et des locataires pendant cette période, les exceptions, les aides disponibles, et les mesures à prendre pour éviter une expulsion après la fin de la trêve.
Origine et objectif de la trêve hivernale
La trêve hivernale a été instaurée en 1954, en réponse à l’appel de l’Abbé Pierre pendant l’hiver rigoureux qui frappait la France. Cette mobilisation nationale a incité le gouvernement à créer un dispositif permettant de protéger les familles vulnérables de l’expulsion pendant la période hivernale, lorsqu’il est particulièrement difficile de trouver un logement temporaire ou de vivre sans abri.
La trêve est inscrite dans le Code de la construction et de l’habitation article L412-6, et son objectif est simple : empêcher qu’une famille ou un individu se retrouve sans toit pendant les mois les plus froids. En conséquence, toute expulsion est suspendue pendant cette période, même si une procédure judiciaire a été lancée ou qu’une décision d’expulsion a été rendue par le tribunal.
Exemple pratique : Si un propriétaire a obtenu une ordonnance d’expulsion contre un locataire en défaut de paiement, cette ordonnance ne pourra pas être exécutée tant que la trêve hivernale est en vigueur. Il est donc illégal pour le propriétaire d’expulser le locataire avant le 1er avril, même en cas de loyers impayés.
Les dates de la trêve hivernale et la loi Alur
La trêve hivernale dure traditionnellement du 1er novembre au 31 mars de chaque année, mais la loi Alur de 2014 a modifié la durée de cette période. Avant l’entrée en vigueur de cette loi, la trêve se terminait au 15 mars. La loi a donc permis une prolongation de 15 jours supplémentaires, afin de garantir une protection plus longue aux locataires.
En outre, la trêve hivernale peut être prolongée dans des situations exceptionnelles. Par exemple, pendant la crise sanitaire liée au Covid-19, la trêve a été exceptionnellement étendue jusqu’en juillet 2020, offrant ainsi un répit supplémentaire à de nombreuses familles touchées par la crise économique.
Les obligations des propriétaires pendant la trêve hivernale
Durant la trêve hivernale, les propriétaires ont des obligations strictes envers leurs locataires. Même en cas de loyers impayés, ils ne peuvent pas procéder à une expulsion. Toutefois, cela ne signifie pas qu’ils sont sans recours. Les propriétaires peuvent engager des démarches judiciaires pendant la trêve, telles que :
- Demander une ordonnance d’expulsion auprès du tribunal : cette procédure permet d’obtenir une décision de justice ordonnant l’expulsion du locataire. Cependant, l’exécution de cette décision sera suspendue jusqu’au 1er avril. Ainsi, une fois la trêve terminée, le propriétaire pourra exiger l’application de l’ordonnance.
- Communication avec le locataire : bien que les expulsions soient suspendues, les propriétaires peuvent continuer à communiquer avec leurs locataires et proposer des solutions alternatives, telles que des plans d’échelonnement des paiements pour éviter une accumulation d’impayés.
Les exceptions à la trêve hivernale
Bien que la trêve hivernale protège une grande majorité de locataires, elle comporte certaines exceptions. Certaines situations permettent de déroger à cette règle et d’autoriser une expulsion même en période de trêve. Voici les principaux cas où la trêve hivernale ne s’applique pas :
- Logements insalubres ou dangereux : si un logement représente un risque immédiat pour la santé ou la sécurité des occupants, une expulsion peut être ordonnée par un juge même pendant la trêve. Il est nécessaire que les autorités locales ou un tribunal aient confirmé ce danger avant de procéder à l’expulsion.
- Squatteurs : les personnes qui occupent un logement sans droit ni titre, c’est-à-dire sans contrat de bail, ne sont pas protégées par la trêve hivernale. Les propriétaires peuvent engager des actions pour expulser ces occupants, même pendant la période de trêve.
- Ordonnances de protection en cas de violences conjugales : en cas de violences conjugales, un conjoint peut être expulsé du domicile familial, et ce, malgré la trêve hivernale. Cette mesure vise à protéger la victime et à assurer sa sécurité.
- Expulsion après relogement : si un locataire se voit offrir un logement correspondant à ses besoins, et qu’il refuse de quitter son ancien logement, la trêve hivernale ne s’applique pas, et il peut être expulsé.
Coupures d’énergie et trêve hivernale
Outre l’interdiction des expulsions, la loi Brottes de 2013 a étendu la trêve hivernale à la protection contre les coupures d’énergie. Cela signifie que, pendant la trêve, les fournisseurs d’électricité et de gaz ne peuvent pas couper les services, même en cas de factures impayées. Cette protection vise à garantir un minimum de confort aux locataires pendant l’hiver.
Cependant, il est à noter que les fournisseurs sont autorisés à réduire la puissance électrique des logements en cas de non-paiement, sans pour autant couper totalement l’accès à l’électricité. Cette réduction ne peut pas descendre en dessous de 1 kVA, permettant ainsi aux ménages de maintenir l’éclairage, le fonctionnement des appareils électroménagers de base, et l’accès à Internet.
Comment éviter une expulsion après la trêve hivernale ?
À la fin de la trêve hivernale, les expulsions locatives peuvent reprendre dès le 1er avril. Pour éviter une expulsion à ce moment-là, il est indispensable d’anticiper et de mettre en place des mesures durant la période de la trêve. Voici quelques conseils pour éviter l’expulsion après la trêve :
Négocier un plan de paiement
Si vous avez des difficultés à régler votre loyer, il est recommandé de contacter rapidement votre propriétaire pour négocier un échéancier de paiement. Souvent, les propriétaires sont plus enclins à accepter un paiement échelonné que de devoir engager une procédure longue et coûteuse.
Solliciter des aides financières
Il existe de nombreuses aides financières pour aider les locataires à faire face à leurs dettes. Parmi ces aides :
- APL (Aide personnalisée au logement) : versée par la CAF (Caisse d’allocations familiales), cette aide est destinée aux ménages locataires de logements conventionnés.
- FSL (Fonds de solidarité pour le logement) : ce fonds permet de couvrir une partie des dettes locatives et des charges pour les ménages les plus précaires.
- Chèque énergie : ce dispositif permet de régler directement les factures d’électricité ou de gaz.
Demander un délai de grâce au tribunal
Dans certains cas, les locataires peuvent solliciter un délai de grâce auprès du juge. Ce délai peut aller jusqu’à trois ans et permet de suspendre temporairement une expulsion tout en continuant à rembourser les dettes locatives.
Consulter une association ou un avocat
Si une procédure d’expulsion est en cours, il est fortement recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit immobilier ou une association de défense des locataires. Ces professionnels peuvent aider à négocier avec le propriétaire ou à obtenir des délais supplémentaires devant le tribunal.
Les nouvelles règles et évolutions législatives en matière d’expulsion
En 2023, la loi du 27 juillet 2023 a introduit plusieurs changements significatifs dans les règles d’expulsion et les droits des propriétaires. Cette loi, qui vise à protéger les logements contre l’occupation illicite, apporte des mesures renforcées pour faciliter les expulsions dans certains cas :
- Résiliation automatique des baux : la loi permet désormais aux propriétaires d’inclure une clause de résiliation automatique dans les contrats de bail en cas de loyers impayés. Cela signifie que si un locataire ne paie pas son loyer, le contrat peut être résilié de plein droit sans qu’une procédure judiciaire ne soit nécessaire.
- Sanctions contre les squatteurs : les sanctions contre les squatteurs ont été renforcées. Les personnes qui occupent illégalement un logement peuvent être condamnées à une amende pouvant aller jusqu’à 7 500 euros s’ils ne quittent pas les lieux après une décision d’expulsion.
- Renforcement des missions des CCAPEX : les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) ont vu leurs missions renforcées. Ces commissions départementales jouent un rôle clé dans la prévention des expulsions, notamment en facilitant les arrangements financiers entre locataires et propriétaires et en offrant un soutien pour la reprise des paiements de loyer.
Statistiques et tendances
- 2001 – 2010 : le nombre d’expulsions a augmenté régulièrement, passant de 8 000 à 19 000 expulsions par an.
- 2011 – 2023 : la tendance à la hausse s’accentue, avec un pic de 45 000 expulsions en 2023, en raison des retards accumulés durant la pandémie de Covid-19 et des difficultés économiques croissantes.
Le graphique ci-dessus illustre l’évolution du nombre d’expulsions avec intervention des forces de l’ordre en France entre 2001 et 2023. On observe une hausse progressive au fil des ans, avec une augmentation notable à partir des années 2010, atteignant plus de 45 000 expulsions en 2023.
Tableau récapitulatif des règles de la trêve hivernale
📝 Règle | ❄️ Détails |
---|---|
Dates de la trêve | Du 1er novembre 2023 au 31 mars 2024 |
Expulsions | Suspendues sauf exceptions (logements dangereux, squatteurs, ordonnances de protection pour violences conjugales) |
Coupures d’énergie | Interdites sauf réduction de puissance à 1 kVA minimum |
Aides disponibles | APL, FSL, chèque énergie, aides de la CAF |
Nouvelle loi 2023 | Résiliation automatique des baux pour impayés, sanctions renforcées contre les squatteurs, missions renforcées pour les CCAPEX |
Démarches pour propriétaires | Possibilité d’engager des procédures judiciaires pendant la trêve pour accélérer les expulsions après le 1er avril |
La trêve hivernale est un dispositif fondamental pour protéger les ménages vulnérables pendant l’hiver, mais elle ne constitue qu’un sursis temporaire. À la fin de cette période, les expulsions peuvent reprendre, et il est nécessaire pour les locataires en difficulté de prendre les devants en négociant avec leurs propriétaires, en sollicitant des aides financières, et en se préparant à rembourser les dettes accumulées.
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